Demain, un de mes plus vieux potes arrivera au terme d'un de ces défis qu'il se pose régulièrement, histoire de voir qu'il n'est pas tout vide à l'intérieur. Demain, dimanche 23 juillet, mon ami Touffe va se lever avant le soleil, se diriger vers la plage de Nice, enfiler sa combinaison de natation et trois épreuves qui, prises séparément, me paraissent déjà hautement inhumaines: 3800 mètres de natation, 180 bornes à vélo dans l'arrière-pays niçois - qui n'est pas précisément d'une platitude batave - et un marathon dans les règles (42,195km) sur la promenade des Anglais.
Oui, Touffe va disputer un triathlon complet, connu sous le nom d'Ironman de Nice.
Oui, en ce qui me concerne, il est complètement frappadingue, mais je l'aime comme ça.
Du coup, quelques petites réflexions me viennent.
Tout d'abord, il faut savoir que le Touffe vise à terminer sa course en 16h.
Pour le "spect-acteur"1 que je suis, 16 heures d'effort continu, ça fait tourner la tête. Mais plus positivement, je me fiche qu'il le fasse en 16h ou en 16 jours. Il a déjà réussi. Il s'est astreint à un entraînement de dingue et à un régime alimentaire digne du fruit des amours d'un spartiate et d'une nonne contemplative. J'exagère à peine, c'est pas mon style. Il va prendre part à cette course, avec quelques centaines d'autres allumés du bulbe comme lui, il va se faire une méga-dose d'adrénaline, d'endorphines et autres trucs (naturels) en -ine, et pour tous ces joyeux cinglés, c'est parfaitement normal.
Il a déjà réussi.
Et moi qui suis en train de préparer les bagages pour aller rôtir au soleil de Toscane en me désolant du fait que je ne vais plus nager parce que les piscines sont bondées de gamins en stage pendant l'été, moi qui regarde repousser mon bide, je pense à lui, à la tension qui monte, au trac peut-être, et puis à l'après. Quand on arrive au terme d'une épreuve comme celle-là, une épreuve qui a commencé le 15 janvier, quand on y pense (16 heures, mon œil !), on se demande ce qu'on va bien pouvoir faire de sa vie après. Au hasard, gravir la Cordillère des Andes à vélo, traverser la Manche à la nage ou s'inscrire à un concours de mangeurs de cassoulet (cherchez l'intrus).
J'aimerais pouvoir lui enlever ces angoisses. Je voudrais être le chirurgien capable d'effectuer une ablation de la glande du questionnement perpétuel. Mais je ne suis pas chirurgien. Pas plus que triathlonien d'ailleurs. Tout ce que je sais, c'est que demain, il verra qu'il n'est pas seul. Il y a ses trois plus fidèles supporters (Valérie, Hadrien et Ea), il y a la foule qui lui criera des encouragements, et il y a tous les autres participants : les fusées qui vont faire ça en douze heures, ceux qui vont rester dans son entourage proche pendant toute la course et ceux qui termineront derrière. Pour tous ceux-là, c'est déjà fait. Le but, c'était de faire le voyage. Ce sont tous des Ironmen.
Il a déjà réussi.
Demain, je suivrai sa progression grâce à la technologie moderne. Quand je ne serai pas en train de conduire, je regarderai sur mon téléphone le site de l'Ironman (http://ironman-results.r.mikatiming.de/2017/nice/) et ce ne sera que peu de chose pour pouvoir le soutenir.
Il n'y a pas grand-chose d'autre à faire. Touffe, souviens-toi de boire souvent, souviens-toi qu'il y a des gens qui pensent à toi et alea jacta est, ce que ma grand-mère traduisait par « toute jactance est inutile ».
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1 Ben oui, je me suis tellement tenu au courant de son entraînement et de ses progrès que je suis parfois fatigué rien qu'à l'entendre décrire ce qu'il a déjà parcouru en entraînement... Imaginez qu'il ait pédalé jusqu'Agadir, puis couru jusqu'au parc national de Khenifiss et puis encore nagé 128km. Vous avez ce qu'il a cumulé en 7 mois d'entraînement. Forrest Gump, quelle klette !